Homère & L'Iliade.

Publié le par MDV

Comment, sans risquer le ridicule du dithyrambe ou la platitude d'un commentaire convenu, évoquer ces vingt-quatre chants primitivement rédigés en vers mais dont l'éblouissante traduction de Paul Mazon pour Folio-classiques nous restitue intactes la beauté et la noblesse sans pareilles ?

Péguy appelait Homère "le patron" et il suffit de lire l'Iliade pour comprendre qu'il n'exagérait pas : rigueur de la construction, respect des envolées propres à la tradition orale dont l'Iliade est issue, transmutation d'une Histoire réelle et lointaine en l'un des mythes fondateurs de notre Antiquité, tout y est rare, unique, en un mot précieux.

Peu à peu, remontent dans l'esprit du lecteur toutes ces légendes antiques qui bercèrent notre culture, et avant tout celle de la rivalité qui opposa Athéna, Héra et Aphrodite pour obtenir le titre de la plus belle des déesses et qui, par le choix de cette dernière que fit Pâris (Alexandre chez Homère), entraîna non seulement la chute de Troie mais aussi les mille et un malheurs qui poursuivirent les Achéens vainqueurs sur le chemin du retour. Et le mieux, c'est que le lecteur, complètement subjugué, se transforme peu à peu en l'un de ces Grecs anciens qui prêtaient jadis une oreille fascinée aux chants des divins aèdes.

Il faut lire et relire ce texte, si possible à haute voix, en prenant son temps, en en imprimant bien dans son esprit et dans sa peau l'intensité de la cadence. C'est l'un des très rares textes de la littérature mondiale qui, par delà les aléas de la traduction, atteint à un sublime qu'on ne perçoit en général aussi bien qu'en musique.

Mais c'est aussi une pièce de théâtre où les fameux dieux grecs se comportent parfois comme de simples humains et où, ô miracle, les humains parviennent quelquefois à se comporter comme des dieux.

Et c'est encore une ode formidable à la gloire des croyances antiques, quand les dieux eux-mêmes reconnaissaient l'obscurité implacable des Destins et s'inclinaient devant ceux-ci. Ici, plus de Créateur "tout-puissant", omniscient et omnipotent en théorie mais incapable d'admettre les faiblesses de ses propres créations. Rien que des déesses et des dieux qui vivent, aiment, haïssent, s'apitoient et s'interrogent sur des humains qui, presque toujours, tentent de s'élever, de devenir à leur tour des dieux, sinon par l'essence, au moins par la noblesse des sentiments.
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