Neige.

Publié le par MDV

Précédemment mis en ligne le 26.11.05 sur Messidor-T :

Je hais la neige. Elle est belle, c'est certain et elle paraît pure. Mais elle est aussi synonyme de froideur, de traîtrise et de linceul.

En matière de beauté, elle a celle de ces créatures de l'ombre qui naissent de nos cauchemars et qui, à peine effleurées par le premier rayon de soleil, se liquéfient et se décomposent en d'affreux grouillements.

De la pureté, elle n'a que l'apparence puisque, si vous l'abandonnez à son sort et au réchauffement inévitable, elle finira en la moins esthétique, en la plus sombre des gadoues.

Mais sa froideur et la glace qu'elle dissimule, elles, sont des réalités incontestables qui vous cernent, vous empoignent, vous imprègnent des pieds jusqu'à la tête avant de vous rejeter, frigorifiés et désespérés, aux souffles de glace de Borée.

Pour ce qui est de sa traîtrise et des complots qu'elle trame à votre encontre, elle les dissimule avec art sous les douces épaisseurs dont elle se pare mais qui, au premier coup de froid, révèleront la plaque de verglas qui fera de vous, au mieux la risée des passants, au pire un patient de plus pour le service des Urgences le plus proche.

Du linceul enfin, elle a cette blancheur ultime et insensible qui fascinait tant Edgar Poe, celle qui vous accompagne au tombeau ou au crématorium et qui, immanquablement, à un moment ou à un autre, finira souillée par la décomposition et la crémation des chairs.

Je hais la neige parce que, tout simplement, sa seule apparition suffit à nier le principe même de la renaissance finale de ce qui fut notre esprit.

Publié dans A Bâtons Rompus.

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